Le mercredi 20 novembre 2014 se tenait, à la Cité des Sciences et de l’Industrie, une conférence autour des récents travaux d’épigénétique ou en d’autres termes de l’influence de l’environnement sur les gènes.
Isabelle Mansuy, neurobiologiste, professeur de neuro-epigénétique à l’université de Zurich et à l’école polytechnique fédérale de Zurich en Suisse, est venue expliquer comment l’environnement et notamment le stress traumatique provoquait une modification sensible des gènes à travers les générations de souris.

L’épigénétique c’est quoi ?

Avec un patrimoine génétique pourtant identique, deux jumeaux peuvent évoluer différemment.
Les gènes des individus sont soumis à de nombreux facteurs environnementaux. Alimentation, maladies, médicaments, stress, lieu & hygiène de vie…  Etc…
Ces facteurs environnementaux peuvent modifier notre biologie qui s’inscrit profondément dans nos cellules, dans notre ADN. Il a  déjà été constaté dans les paires de jumeaux monozygotes des différences de taille quant à la trajectoire de vie de chacun : l’un pouvait développer une obésité et l’autre rester mince, l’un pouvait être sain d’esprit et l’autre développer une pathologie mentale.

Comment alors expliquer ces différences ?
Ce sont des travaux de recherche comme ceux d’Isabelle Mansuy qui tentent de percer le mystère. Le passé a déjà apporté son lot de coïncidences troublantes pour les scientifiques.
Pendant la seconde guerre mondiale, la Hollande connut une grande famine en 1944. Voici ce qu’en dit Wikipédia :

L’expérience bien documentée a permis aux scientifiques de mesurer les effets de la famine sur la santé humaine. L’« étude de la cohorte de naissances de la famine hollandaise », menée par les services d’épidémiologie clinique et de biostatistique, de gynécologie et d’obstétrique et de médecine interne du Centre médical académique d’Amsterdam, en collaboration avec l’Unité d’épidémiologie environnementale du conseil de la recherche médicale de l’Université de Southampton en Grande-Bretagne, constata que les enfants de femmes enceintes exposées à la famine étaient plus sensibles au diabète, à l’obésité, aux maladies cardiovasculaires, à la microalbuminurie et à d’autres problèmes de santé.

Par ailleurs, les enfants des femmes qui étaient enceintes au cours de la famine étaient plus petits. Cependant, de façon surprenante, lorsque ces enfants grandirent et eurent des enfants, ces enfants étaient aussi plus petits que la moyenne. Ces données suggèrent que la famine vécue par les mères avait provoqué une sorte de modifications épigénétiques qui ont été transmises à la génération suivante.

Les traumatismes modifieraient donc le comportement de l’individu traumatisé mais aussi ceux de sa descendance puisque l’on retrouve une modification métabolique jusqu’à la troisième génération. Cela signifierait donc que les traumatismes atteignent également les cellules germinales (spermatozoïdes et ovules) qui sont le seul lien biologique entre les générations.

Isabelle Mansuy et ses pairs ont testé l’hypothèse auprès de plusieurs générations de souris.

Une souris et ses souriceaux sont séparés tous les jours pendant 3h de manière imprévisible (de la naissance jusqu’à 2 semaines) et la mère est soumise a un stress intense. Stress de contrainte ou nage forcée. Après un tel traitement, voici ce qu’il en ressort.

Biologiquement, l’ADN est marqué. Je ne pourrais pas vous faire un résumé précis des mécanismes épigénétiques (Méthylation de l’ADN, Modifications des histones, ARNs non codants) impactant les cellules mais en tout cas, les scientifiques sont parvenus à plusieurs conclusions :

Le stress traumatique précoce induit des symptômes dépressifs sur 3 générations : Une souris dont les parents ont été traumatisés, se comportera avec moins de vigueur lorsqu’elle sera soumise à la nage forcée.
Le stress traumatique précoce altère la mémoire sur 2 générations
Le stress traumatique précoce altère le métabolisme sur plusieurs générations

Pour finir, il semblerait que le processus peut être inversé si les souris issues de lignées traumatisées sont mises dans des environnements « Enrichis » (roue pour courir, labyrinthe avec libération de récompense…). Les marqueurs biologiques tendraient à disparaitre.

Concernant l’être humain, voici une vidéo datant de 2012 qui parle du phénomène de marquage biologique de l’ADN

Etudier concrètement ces phénomènes sur l’être humain à grande échelle semble difficile dans la mesure ou il est inconcevable de soumettre volontairement un être humain à un stress traumatique au nom de la science. Bien que certains l’aient fait par le passé.

Mais une question m’est venue lors de cette conférence :
L’épigénétique ne serait elle pas la preuve biologique de ce que Anne Ancelin Schützenberger à travers la psycho-généalogie a tenté de démontrer : La puissance du transgénérationnel ou comment les séquelles des traumatismes se déplacent d’un individu à un autre dans la même lignée ?

Pour rebondir, je ne manquerai pas de vous faire un article sur la psycho-généalogie très prochainement.

Merci à la cité des sciences de nous proposer des sujets aussi passionnants et merci au Pr Mansuy d’avoir répondu avec autant de gentillesse à des questions de profanes qui parfois n’en étaient pas.