Si vous faites du yoga vous avez déjà certainement entendu le nom d’André Van Lysebeth (si pas encore – bonne découverte !), un des premiers maîtres incontestés du Hatha yoga en Europe et notamment en France.

Né le 11 novembre 1919, André Van Lysebeth découvre le yoga dans sa jeunesse, avec son intérêt pour l’hypnose et l’exploration intérieure. Par la suite il acquière ses connaissances durant des séjours en Inde dans les années 1950 notamment dans l’Âshram de Swami Sivananda à Rishikesh. De nombreux yogis comme les Swamis Chidananda, Satcitananda, Satyananda, Gitananda, Nil Hahoutoff, et bien d’autres, invités par Van Lysebeth en Europe tout au long des années ont complété ses sources.

Dès les années 1960 et ce pendant 30 ans il a été le principal rédacteur de la revue Yoga. André Van Lysebeth a également ouvert une école et a été à l’origine de la Fédération belge de Yoga.

Ce maître de yoga incontournable, décédé en 2004, a publié de nombreux livres sur le yoga et le tantrisme devenus cultes comme J’apprends le yoga, Je perfectionne mon yoga, Pranayama, la dynamique du souffle, Ma séance de yoga, Tantra, le culte de la féminité, 2 x7 jours pour rajeunir et Le Yoga Mental.

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Fin 2016 est sortie chez Flammarion L’Encyclopédie André Van Lysebeth : Le Hatha Yoga, toutes les asanas pas à pas, reprenant partiellement 4 de ses ouvrages précédemment publiés et pratiquement épuisés à ce jour.

Cet ouvrage est incroyablement bien conçu. Il est très complet, clair et autant utile pour un débutant que pour un adepte avéré. Il explique avec beaucoup de pédagogie les postures, leurs effets bénéfiques et leurs contre-indications, les erreurs à éviter et les façons de les corriger, des exercices de respiration, comment composer sa séance…

Le yoga y est présenté comme un art de vivre, tel qu’André Van Lysebeth le transmettait, dans la prise en compte globale de la personne et de sa santé : lutte contre le vieillissement, entretien des muscles profonds, bons choix alimentaires, sommeil, digestion facile…

Le fils d’André Van Lysebeth, Willy Van Lysebeth, à l’origine de la sortie de L’Encyclopédie, perpétue son enseignement. Et j’ai eu la chance de l’interviewer pour Bienheureusement et de lui poser des questions sur son père, sur son propre parcours et sur la pratique du yoga. Un très grand merci pour ce moment à Monsieur Van Lysebeth.

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On connaît beaucoup de choses sur André Van Lysebeth, votre père, mais beaucoup moins sur vous… Pourtant c’est grâce à vous que son enseignement est perpétué et que cette Encyclopédie du Yoga voit le jour. Quel est votre parcours « yoga » à vous? Vous avez un autre métier que le yoga, vous êtes psychothérapeute ?

Oui je m’intéresse aussi beaucoup à la psychosomatique.

Vous savez, j’ai 72 ans… J’ai pratiqué depuis ma plus tendre enfance. Dès mes 6-7 ans j’ai participé à des conférences de papa. J’ai commencé moi-même à enseigner en 1970 en l’assistant. Puis peu à peu j’ai développé la formation de psychothérapeute. Nous avons continué de travailler ensemble… et puis on a formé l’institut Van Lysebeth et j’y ai enseigné le yoga. Depuis on a co-animé de nombreux week-ends et des stages d’été partout en Europe, en France, en Italie, et même au Liban et au Canada.

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Quelle est votre pratique aujourd’hui ? Comment a-t-elle évolué avec les années ? 

Je pratique tous les jours. J’accorde, bien sur, une importance prioritaire aux postures, mais aussi et voire encore plus à la relaxation et à la méditation. Avec le temps l’essentiel de ma pratique est resté inchangé, mais je me suis de plus en plus passionné pour la médiation, la concentration, les différents niveaux d’éveil, de conscience.

C’est uniquement votre papa qui vous a inspiré tout au long de votre vie de yogi ? D’autres maîtres ont-ils eu de l’influence sur vous ?

Vous savez, je suis tombé dans la marmite tout petit (rires), comme Obélix… ! Papa a été et est toujours mon inspiration et mon exemple, bien sur, mais aussi, depuis mon enfance, j’ai vu défiler la quantité de yogis… !

Par exemple, en 1950 un yogi a vécu chez nous toute une année. Il était là, à la maison, je l’observais pratiquer, j’imitais, j’apprenais comme ça… ! Mais j’ai aussi beaucoup séjourné en Inde. Deux-trois personnages m’ont marqué, notamment Swami Satcitananda … mais surtout papa et son maître Swami Shivananda.

Quel enseignant était votre père ? Comment se faisait la transmission avec vous, son fils ? 

En fait, ça s’est fait très naturellement. Je l’imitais, je faisais comme lui. J’ai des photos de vacances où je suis petit et je l’imite dans les postures comme la chandelle… Et puis à l’adolescence, à 16-17 ans je suivais ses cours collectifs, son enseignement comme tout un chacun.

Nous sommes une famille où on riait et on rit beaucoup. Papa dans son enseignement a toujours utilisé beaucoup d’humour, beaucoup de blagues. Il faisait rire ses élèves et à la maison c’était pareil.

…Mais je me suis marié fort jeune, à 20 ans, et du coup je me suis éloigné de la famille « originelle » assez vite. En effet, nous avons fait un cheminement un peu différent, chacun de son côté. Il a développé une autre manière de communiquer le yoga, par des stages beaucoup plus nombreux que les miens notamment…

Vous avez pratiqué vous-même dès tout petit, mais vous êtes aussi expert en psychologie enfantine, en expression corporelle, en psychomotricité. Vous avez   travaillé comme psychothérapeute d’enfants, enfants autistes notamment… Avez vous des conseils à donner sur la façon de transmettre le yoga aux enfants ?  

Effectivement, il y a toute une pédagogie. Il faut tenir compte des conditions matérielles. Quelle est la taille du groupe, dans quel contexte scolaire sommes-nous, est-ce dans le cadre d’une association, ou peut-être ce sont nos propres enfants ? De quel âge sont ces enfants ?… L’approche varie en fonction des âges.

On fait le lien entre les exercices. Les exercices varient. Pour les petits, on leur donne du sens à travers les noms, ceux d’animaux par exemple. On peut leur proposer des petits jeux d’expression corporelle, des exercices respiratoires. Ils se régalent d’exercices d’équilibre, de toute sorte, d’imitation, de gestuelle… ceci jusqu’ à l’adolescence.

Les plus grands sont très intéressés par le développement du souffle. Ils sont impressionnés par des équipes de foot, de divers clubs sportifs, qui introduisent le yoga dans la formation des athlètes de haut niveau, où ils utilisent par exemple les exercices de relaxation pour se préparer aux compétitions.

Aux plus grands on donne des moyens de pratique de maîtriser le stress, la peur de l’examen, d’améliorer le sommeil, de développer la mémoire…

Papa avait un cours spécial de yoga mental où l’on transformait des formules de mathématique en histoires pour mieux les mémoriser – une codification mnémotechnique.

Les petits peuvent être invités à dessiner les yeux clos pour développer ces images mentales. C’est intéressant de constater que des enfants qui ont fait un peu de yoga, après une séance, se dessinent autrement (c’est le test de dessin du bonhomme en psychologie). Ils utilisent moins de lignes droites, rigides, mais plutôt des courbes ainsi que des expressions faciales. Ils introduisent des références à des sensations profondes internes… Alors qu’en temps normal, sans pratiquer le yoga, ça aurait été juste une silhouette. C’est une autre façon de se représenter, avec un corps beaucoup plus souple et fluide.

Dès 3-4 ans on les initie au yoga. Ma fille a 47 ans maintenant… elle est architecte. Mais quand elle était toute petite, je lui faisais des massages le long de la colonne vertébrale, lui chantais sur le corps, sur le ventre, lui faisais des exercices de rétraction du ventre. Et quand je faisais des postures dans le salon, comme un petit chat, elle venait se mettre sur mon dos, elle imitait les postures comme l’arbre, des équilibres. A 3-4 ans ça les intéresse beaucoup.

Vous aviez une autre profession, vous avez tout de même continué « dans » le yoga ? C’était indissociable pour vous ? Une complémentarité ? 

Oui, c’était une évidence. J’ai l’âge de la retraite mais j’ai toujours des consultations, je forme des enseignants de yoga à Paris, en Italie, j’offre des stages… l’été prochain j’en donne un à Perpignan…

Papa aussi, d’ailleurs, a travaillé jusqu’à la fin de ses jours. C’était un homme qui faisait beaucoup de yoga et enseignait le yoga, mais ça ne l’a pas empêché de créer une PME avec une quinzaine d’employés. Il avait fondé une imprimerie. En 1954, je me souviens, on distribuait ensemble avec papa des publicités dans les boîtes aux lettres du quartier. On y allait en bicyclette. On a eu la voiture qu’en 1956. Il faisait ça dans tout Bruxelles. Au début c’était juste une polycopieuse, mais après dans les années 60, ça a été une expansion (sourires).

Même si l’on pratique le yoga dès sa toute petite enfance, pourquoi forcément l’enseigner ? Une évidence aussi ?

On apprend plein de choses comme ça aussi. Et puis c’est une autre façon de faire comme papa (sourires), être enseignant comme lui. J’ai eu le plaisir de co-animer des stages et des conférences avec lui, c’était tout naturel de poursuivre par moi-même.

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Votre papa se définissait non comme un maître mais comme un honnête technicien. A quel moment devient-on maître alors que même André Van Lysebeth, figure de proue du Hatha yoga, ne se considérait pas comme tel ?
 

Dans la formation d’enseignants que je donne, il y a des cours de pédagogie et j’y fais une différence entre les notions comme enseignant, maître et guru… Papa ne s’est jamais senti ni posé en guru, il propageait, vulgarisait le yoga. Il était en pratique maître d’un art, d’un artisanat, comme on dit maître en musique. Mais en effet, il était très modeste, juste enseignant de yoga. Point à la ligne.

Maintenant quelques questions sur le livre lui-même. Et aussi la partie « pratique » telle qu’elle est décrite, proposée par votre papa… Par exemple, concernant la durée de la posture. Elle ne serait efficace que si elle est tenue un long moment. Avec de différents types de yoga existant aujourd’hui les postures ne sont pas forcément tenues longtemps mais elles sont enchaînées dans un flow comme dans Jivamukti, Vinyasa, etc. Qu’en dites-vous ?

Des écoles très variées existent effectivement. J’ai des collègues, des amis qui font un autre yoga ; on s’invite les uns chez les autres… Le yoga de l’énergie, le yoga Desikachar, le Vinyasa… Il y a des différences de forme dans la manière d’organiser l’enseignement mais il n’y a pas d’antagonisme. L’essentiel c’est la personne, c’est le lien… Certaines personnes de notre lignée, je ne les recommanderais pas à ma fille, mais je le ferai pour certaines venant d’autres écoles.

Pour la durée, oui, à la base une posture doit rester immobile, papa en parle comme d’une statue qui respire. Mais les enchaînements, les séries, si leur conception est d’une grande qualité et si vous les comprenez bien, sous-jacent, à la succession il y a l’équivalent d’immobilité.

J’ai travaillé dans la formation de danseurs chez Maurice Béjart dans les années 70 (des professionnels du mouvement quand même !) J’ai bien vu que l’immobilité peut être vécue comme une danse, une danse vertébrale, par exemple, alors que le corps reste immobile.

Mais effectivement, si l’on veut ressentir des effets énergétiques il faut tout de même un minimum de maintien de position.

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Dès la couverture on annonce la couleur, on parle de Hatha yoga, pas le yoga tout simplement. Ne serait-ce une limitation ? Pour des lecteurs potentiels qui pratiquent un autre style de yoga…

Non, c’est le yoga postural, la base (de tous les autres yogas), le yoga enraciné dans l’expérience du corps.

Pourquoi ce livre ? Qu’est-ce qui a motivé sa parution ?

Papa a publié une demi douzaine d’ouvrages traduits dans une dizaine de langues étrangères qui se vendent très bien, certains sont même épuisés. Alors on s’est dit avec Flammarion qu’il fallait continuer d’éditer ces ouvrages individuellement mais qu’il était également judicieux de présenter un ouvrage synthétique, une encyclopédie compilant plusieurs écrits d’André Van Lysebeth. Une centaine de postures détaillées, une présentation synoptique qui permet d’avoir des liens, finalement c’est mieux que d’avoir des manuels séparés…

 

Y a-t-il une touche de vous, Willy Van Lysebeth, dans cet ouvrage ?

Non. Le texte de papa est parfaitement respecté, j’ai juste travaillé l’agencement, le sommaire, mais tout est basé sur son manuscrit initial. Pas une virgule n’a été changée.

J’ai écrit d’autres ouvrages en italien, la traduction française est prévue d’ailleurs, mais là, dans l’Encyclopédie ce n’était pas nécessaire.

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Les descriptions des postures sont illustrées par des dessins et non des photos comme le plus souvent dans les livres sur le yoga. Pourquoi ce choix ?
 

C’est le choix de l’éditeur. Dans les ouvrages originels y avait des photos de papa, de Denise Van Lysebeth (son épouse) et d’autres enseignants, mais elles ont tout simplement mal vieillies… Elles n’étaient plus réutilisables. Même si je regrette un peu de ne pas avoir quelques photos de papa, il faut avouer que souvent le dessin est plus précis que les photos telles qu’elles étaient à l’origine.

A qui s’adresse ce livre ? A-t-il un public particulier ?

Il est accessible à tous : débutants ou avérés. Papa avait une plume parfaite. Sa spécificité dans ses ouvrages c’est son descriptif très précis des postures, le détail des erreurs à ne pas commettre. Peu d’enseignants et de manuels décomposent autant l’exécution des postures ainsi que les erreurs les plus fréquentes.

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Une manière particulière de l’aborder : lire en entier avant d’entamer la pratique par exemple ?

Piocher, lire quelques pages, y revenir régulièrement est la meilleure approche. Il faut venir lire la description, l’effet mental, faire quelques exercices… et voilà.

Quelles sont vos ambitions pour le livre, pour vous-même, pour votre école, le yoga plus généralement ?

Ce livre c’est une partie intégrante de notre formation d’enseignants, de la diffusion du yoga plus largement. Sans parler d’objectifs chiffrés, notre souhait le plus cher est de faire connaître le yoga et ses bienfaits au plus grand nombre de personnes. Aujourd’hui des jeunes se passionnent par le yoga, le public change, ce n’est plus seulement les femmes… c’est en pensant à tout ce nouveau public qu’on a choisi des dessins d’ailleurs… La demande grandit tous les jours et je pense que ce livre répond parfaitement aux attentes de ces nouveaux adeptes.

Ce phénomène de société, cette demande va croître encore. Depuis les années 60-70 ça n’a fait que croitre. Nos ouvrages, notre formation et nos stages ont pour but d’offrir des informations sérieuses et fiables sur le yoga, d’offrir de la qualité, comme le faisait papa avec son enseignement.

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L’Encyclopédie André Van Lysebeth : Le Hatha Yoga, toutes les asanas pas à pas

Editions Flammarion
Prix : 24,90€

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