Rencontre avec Pierre Bonnasse, sophrologue, professeur et formateur de yoga, fondateur de l’école internationale de yoga et auteur de différents ouvrages en yoga et sophrologie. Il livre généreusement son parcours et nous dévoile ce qui l’a amené à la sophrologie et ce qu’elle nous enseigne au quotidien.
Vincent de BienHeureusement ! : Comment en êtes-vous arrivé à la sophrologie ?
Pierre Bonnasse :
Je me suis en fait tout d’abord intéressé au ZEN très très tôt et je me suis tourné rapidement, dès 14 ans, vers un maitre zen. Je pratiquais aussi le karaté. Et c’est dans ces milieux sportif et spirituel que j’ai entendu parler de la sophrologie pour la première fois. Mais je ne m’y suis pas intéressé tout de suite.
Plusieurs années après, j’ai découvert aussi les philosophies indiennes. La sophrologie étant très inspirée de ces courants de pensées et de ces pratiques, elle m’a vraiment intéressée de plus en plus. J’ai commencé alors à lire des livres sur la sophrologie.
Et j’ai tout de suite remarqué la possibilité de liens et de ponts entre une pratique spirituelle et tournée vers la conscience et le coté socio-professionnel . Cette discipline fait un lien intéressant entre ces deux dimensions. Donc j’ai découvert un jargon, une méthodologie mais d’un point de vue technique, la sophrologie est réellement inspirée du yoga, du zen et du bouddhisme tibétain, rien de nouveau pour moi. C’est une méthodologie intéressante qui peut aider les gens à alléger certaines souffrances et qui les accompagne vers une prise de conscience d’eux mêmes.
Suite à ce parcours, à cette découverte, comment pouvez-vous définir la sophrologie ?
La pire des questions (rires). Simplement … le mieux est de revenir à la devise de Caycedo : « Que la conscience soit connue »
Il faut partir de là car on a tendance à l’oublier et faire de la sophrologie une pseudo science un peu matérialiste juste pour le bien-être et le développement personnel. C’est un véritable écueil de croire ça et ce n’est pas forcément ça qui va venir nourrir la discipline.
Caycedo voyait cette devise « que la conscience soit connue » , comme : conscience connue à l’intérieure de soi (je dirais même plus qu elle soit reconnue) et non pas dans un sens prosélyte.
Donc à partir de là, voici comment je définirais la sophrologie : comme une méthode qui propose des outils , des techniques qui vont petit à petit grâce à la phénoménologie, à la pleine conscience du phénomène qui émerge instant après instant, permettre de voir tout ce qui me sépare de ce phénomène, de la conscience que je ne connais pas encore ; mais que je vais commencer à approcher par ce qui est de plus palpable ici et maintenant : le corps et la respiration. Donc la sophrologie par un regard prophylactique, c’est apprendre à reconnaître et comprendre les différentes structures de l’Être.
On entend parler de sophrologie Caycedienne et de sophrologie analytique . Quelles sont les différences ?
L’Analyse est radicalement différente de la sophrologie telle que Caycedo la définit.
Dans l’analyse, on essaie de répondre à une question et de comprendre avec son mental. Avec la sophrologie phénoménologique, on va prendre le problème tel qu’il est, sans mentalisation, sans à priori ni étiquette. Donc on va s’apercevoir que le problème ne vient pas des choses extérieures comme on a tendance à le croire, que ce n’est pas la réalité extérieure qui est difficile mais on réalise que c’est la façon que l’on a de la percevoir.
Donc la sophrologie doit plus être dans l’accueil du phénomène que dans l’analyse.
Donc sophrologie analytique ?
Oui, (rires) lorsque l’on est relaxé, on peut faire de l’analyse. Mais ce n’est pas de la sophrologie telle que la conçue Caycedo et telle que je la conçois aujourd’hui. Car finalement l’analyse n’est qu’un phénomène qui apparaît dans la conscience. Donc pourquoi m’attarder à un simple phénomène?
De plus en plus, la sophrologie apparait dans différents milieux. À qui s’adresse-t-elle vraiment ?
Bien évidemment à tous. Ma définition philosophique est axée sur la conscience et l’on peut simplifier. La sophrologie s’adresse aux personnes qui ont perdu ou qui se sont coupées de cette relation avec leur corps. La sophrologie va leur permette de les réconcilier avec elles-mêmes, les inviter à sentir leur corps, habiter leur corps. La sophrologie offre à vivre son corps de l’intérieur. Avec la sophrologie et la phénoménologie les personnes prennent conscience de leur peau, de leurs organes, de leurs muscles, de leurs os et cette perception de ces tissus renforce la conscience de l’énergie qui les traverse.
Par exemple pour les personnes qui souffrent de troubles du sommeil, d’anxiété, de stress, tous les problèmes classiques de la société actuelle, on se rend compte que la racine est toujours la même. Lorsque je suis agité mentalement, j’ai du mal à m’endormir, je suis anxieux et stressé, …. Alors avec l’expérience, on se rend compte que cela fonctionne très très bien. Les gens retrouve un calme intérieur. Encore plus rapidement s’ils s’entrainent. Car c’est finalement simple, cela peut être pratiqué n’importe où, au bureau, à la maison, dans le métro et en tenue de sport ou en mini-jupe. Tout le monde peut repartir de ce qu’il est, de son corps, le détendre, prendre conscience de son souffle et alors réaliser que le mental finit par se taire. La sophrologie est en plus une méthode ouverte et en évolution, adaptable et modulable. Caycedo lui-même invite à la recherche. Il y a encore beaucoup à puiser dans les différentes philosophies, indiennes entre autre, pour nourrir la sophrologie.
Vous nous avez parlé de troubles du quotidien et de méthodes toujours en évolution alors jusqu’où peut aller la sophrologie ? Qui peut-on accompagner avec la sophrologie ?
P.B.: Oui, accompagner est le bon terme. En tant que directeur pédagogique d’une école de sophrologie, je me rends compte à travers les stages effectués par les élèves de la variété du champ d’application. Lorsque l’on suit une formation durant deux ans, on voit tout de suite le bien qu’apportent les stagiaires. Que ce soit avec des enfants, des femmes, des hommes, des jeunes mamans, des adolescents, des personnes plus mûres et âgées, la sophrologie fonctionne. Toutes ces personnes voient leur stress diminuer puis disparaître. Même avec des personnes atteintes d’Alzheimer, on observe des résultats vraiment impressionnants. À la vue de toutes ces expériences, on peut affirme que la grande force de la sophrologie est l’adaptabilité. Par cette méthode d’accompagnement, on vient servir et épouser la situation.
C’est en étant toujours au plus près de la personne que cela fonctionne. Par exemple pour les maladies dégénératives, on se rend compte que bien souvent le stress et l’anxiété accentuent et accélèrent l’évolution de la maladie. Alors lorsque l’on comprend cela, on voit tout de suite l’intérêt d’une méthode comme la sophrologie pour arriver à atténuer voire faire disparaître ces facteurs aggravants, comme aussi le ressassement et la pensée négative.
Voilà, il y a une infinité dans le champ d’application, chez les militaires de terrain, la préparation des sportifs, les résultats sont impressionnants. C’est très vaste.
Vous avez évoqué respiration, phénoménologie, retour à soi et à son corps. C’est peut être un peu compliqué pour le tout à chacun ?
Effectivement sorti de tout contexte et dit comme ça, ça parait compliqué, néanmoins c’est très simple. C’est prendre conscience de sa respiration sans à priori ni jugement, prendre conscience de son état sans commentaire. Il y a des pensées qui surgissent c’est inévitable, elles passent et on en revient au souffle. En fait cela ne dépend de rien, juste s’arrêter et observer ce qui est : revenir à soi, revenir « à la chose même ». Avoir un regard neuf, vierge, observer comme si l’on voyait pour la première fois. Donc c’est en ça que tout le monde peut revenir à la chose même. En faisant la vaisselle, c’est prendre conscience de sa posture, être à ce que l’on fait et le faire en totale conscience.
Alors finalement la sophrologie est une philosophie ou un protocole d’accompagnement?
P.B.: C’est en réalité les deux. La sophrologie s’inspire de différentes philosophies, philosophie Platonicienne entre autre, et surtout philosophie indienne dans le sens large. D’ailleurs en Inde la philosophie est toujours et essentiellement pratique. C’est en ça que la sophrologie est une philosophie pratique, un art de vivre et donc aussi un protocole qui se met en place au quotidien, dans la vie de tous les jours. C’est évident que cela n’est pas limité à une méthode de relaxation, bien que des gens la voient aussi comme ça. Donc peut être faudrait il demander à chacun comment il voit la sophrologie et ce qu’elle lui apporte. Finalement c’est l’essentiel, les gens viennent chercher quelque chose et se rendent compte que cela fonctionne et repartent bien souvent avec plus.
Et alors, les charlatans ?
Oui effectivement, on trouve de tout comme dans tous les domaines. On ne se forme pas en sophrologie comme ça en quelques heures et sur Internet. Devenir sophrologue c’est un apprentissage comme tout. Il est nécessaire de maitriser les techniques, de les pratiquer , de les vivre et les digérer.
Je voulais en profiter pour définir le terme de spiritualité. Il s’agit de la vie de la conscience. La conscience étant partout, la spiritualité fait partie de la vie de tous les jours. Il n’y a pas de différence entre matière et spiritualité. La dualité qui pourrait apparaître entre les deux est totalement mentale.
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