Instant Présent – Pour rappel, cette rubrique regroupe des textes qui ne sont que les vestiges de ces moments ou nous sommes dans l’ici et le maintenant. Des expériences souvent anodines vécues d’une manière intense, parce qu’en pleine conscience.
Jeudi dernier.
Alors que j’allais prendre le bus pour rentrer chez moi au milieu de l’après midi, je vis sur la route, tout près de mon arrêt, une grosse benne bleue. On ne pouvait apercevoir que des morceaux de bois et de plastique qui en dépassaient mais elle semblait bien remplie.
En arrivant à l’emplacement du poteau qui marquait l’arrêt , je me rendis compte que cette benne était vraiment proche et qu’elle allait sensiblement gêner le conducteur du bus dès lors qu’il voudrait marquer l’arrêt pour prendre les passagers et repartir. Pendant que mon mental se posait tout un tas de question sur la manière dont le bus allait faire pour contourner la benne, d’autres personnes arrivaient et attendaient eux aussi, le bus. Encore 8 minutes à attendre.
Puis il arriva.
Non, pas le bus.
Le conducteur de camion benne.
Il était venu la chercher.
Je n’avais pas vraiment fait attention à sa présence jusqu’à ce qu’il vienne se positionner juste devant moi, à contre-sens des voitures. Et là commença un véritable spectacle de précision et de danger.
J’enlevais alors mes écouteurs pour mieux profiter de la scène et être pleinement là, dans l’instant présent.
Le conducteur se plaça en marche arrière devant la benne et déplia le long bras crocheté du camion. Son visage extrêmement concentré, regardait en arrière pour piloter le camion et le crochet qui devait s’introduire dans l’anneau de la benne.
Moi je regardais tour à tour le crochet et le visage de l’homme qui était absorbé par son travail de précision. C’était beau.
Le crochet entra dans l’anneau. J’avais envie d’applaudir. Puis le bras souleva la benne à un angle de 40° et le conducteur recula pour venir positionner le train du camion sous la benne. A ce moment là, je me suis dis que la manoeuvre était potentiellement dangereuse pour les personnes qui se trouvaient à côté. La benne pouvait se renverser à tout moment.
Mais le conducteur était précis, il plaça les rails de la benne exactement sur les roulements du camion et la fit basculer doucement sur le train du camion. L’oeil du conducteur, manifestement très exercé, vérifia que tout était dans l’axe avant de tirer la benne sur le train avec le bras articulé.
Il descendit rapidement pour des vérifications visuelles très rapides et remonta dans sa cabine.
Il disparut aussi vite.
Trois minutes.
Je demeurais émerveillée comme une enfant. Et j’étais pleine de gratitude pour ce conducteur de benne qui m’avait offert un spectacle d’une extraordinaire dextérité. Un geste technique et rapide qui rappelle que chacun d’entre nous a des talents particuliers pour faire ce qu’il fait dans sa vie professionnelle.
Comme devant la dextérité d’un batteur dans un groupe de rock, j’étais en extase devant le remorquage d’une benne. C’est vrai, c’est étrange et pourtant… Il y a de la beauté partout, dans tous les gestes pour qui sait voir.
Alors merci, monsieur le conducteur de benne !
Cela dit, d’autres n’ont rien vu, pire, ils ont pesté pour la poussière laissée par le démarrage.
J’aime l’idée qu’on garde une âme d’enfant émerveillé devant la vie qui se joue :)