Matthieu Ricard a donné, hier soir, une conférence en plein centre de Paris, au Grand rex. Ni plus, ni Moins.
Après avoir fait la queue comme il se doit pour rejoindre le balcon, je m’aperçois que la salle est presque pleine. Le Grand Rex c’est 2700 sièges. C’est dire combien la compassion, l’altruisme et l’amour universel intéressent les gens ou alors c’est la renommée internationale de Matthieu Ricard, moine bouddhiste français, qui suffit à déplacer les foules.

Quoiqu’il en soit, l’évènement organisé par l’association Rencontres Perspectives et pour l’association de protection animale L214 a fait salle comble. Végétariens et carnivores mélangés.

L’ambiance était quasi religieuse. Nous attendions tous avec impatience l’arrivée du Maître-à-penser qui fût accueilli dans une longue salve d’applaudissements. Ensuite il a commencé à parler, légèrement impressionné par la taille de son auditoire. La conférence était traduit simultanément en langue des signes par deux traductrices qui se relayaient.
Le discours de Matthieu Ricard oscillait entre gravité et humour mais ses messages sont passés.

La catastrophe est à nos portes

Si nous ne changeons pas notre manière de vivre, l’avenir de l’homme est clairement menacé. Car dans toute l’histoire de l’humanité, c’est la première fois que nous nous retrouvons dans cette configuration : Notre avenir et nos conditions de vie futures sont directement influencées par les décisions que nous prenons aujourd’hui.

Un scientifique suédois, Johan Rockström a déterminé un certain nombre (9) de limites planétaires dans lesquelles nous devrions rester pour permettre le développement harmonieux de la nature et de l’homme et maintenir l’homéostasie. Hors en 2010, nous avions déjà outrepassé certaines limites comme celles du Flux d’azote et de l’appauvrissement de la biodiversité.

Ci dessous – Une image de la matrice de Rocktröm. Désolée pour la qualité.

Matthieu Ricard nous alerte sur l’épuisement des ressources planétaires et les changements irréversibles induits par l’activité humaine. Il dénonce, mais toujours dans la bienveillance et dans la douceur, les comportements égoïstes de tout-un-chacun et des gouvernements face à une situation critique. On procrastine parce que le problème ne se posera réellement que dans 50 ans. Mais à ce moment là, nous serons au pied du mur, il sera trop tard pour freiner.

Les activités humaines détruisent l’écosystème. On parle plus spécifiquement ici d’élevage et de pêche intensive. Il a montré des images d’élevage de volaille ou 40 000 poulets sont gérés par 7 personnes. A la moindre épidémie de maladie dans le cheptel, on tue tout le monde et on recommence.

Puis il nous a démontré, images et films à l’appui, que les animaux étaient des êtres sensibles, intelligents, capables d’empathie, d’amour, d’émotions. Si aujourd’hui, on ne mange plus le chat et le chien, c’est parce que nous avons développé avec ces espèces, des liens d’amitié. Pourquoi ne pas étendre cette amitié et cet amour altruiste aux autres animaux ?

Nous avons fait d’énormes progrès ces dernières siècles : Nous avons cessé d’assister à des exécutions capitales le dimanche après-midi sur la place publique. Nous avons compris que la valeur d’une vie humaine n’était pas négociable. Mais qu’en est-il de la vie animale ?

Matthieu Ricard a demandé à l’assemblée de regarder un extrait d’une vidéo sans détourner le regard. Il a hésité à le faire parce que ces images sont d’une violence inouïe mais il pense que nous devons ouvrir les yeux sur ce qui se passe, sur la manière dont cette viande arrive dans nos assiettes. On y voit l’atrocité des élevages et des abattoirs. Des veaux qu’on arrache à leurs mères et qu’on électrocute. Une vache qu’on égorge et qui tente de se relever se noyant dans son propre sang. Des animaux qu’on découpe alors qu’ils sont encore vivants. Etc… Des images probablement issues du documentaire « Terriens » et que je vous encourage à regarder (mais à jeun !).

Comment sortir du scénario catastrophe ?

Changer. C’est le maître mot.

Un changement individuel et communautaire peut nous aider à faire la différence, à inverser cette tendance qui nous pousse tout droit dans le mur.

Au niveau individuel, on peut prendre conscience de son mode d’alimentation, de consommation. Il est déjà prouvé que manger de la viande augmente les risques d’accidents cardio-vasculaires et les cancers. Pour y parvenir, nous pouvons nous appuyer sur nos compétences sociales qui sont la compassion, l’empathie, la bienveillance, l’amour-Altuisme.

Des chercheurs américains (j’en ai déja parlé précédemment) ont réalisé des études auprès de moines bouddhistes pour en étudier le cerveau. La méditation Mindfulness multiplie les connexions entre les neurones et améliore l’intelligence émotionnelle de l’individu. Il faut pratiquer une méditation quotidienne de l’ordre de 20 minutes pour en voir les effets 4 semaines plus tard. C’est le temps qu’il faut aux neurones pour créer de nouveaux chemins dans le cerveau et stimuler de nouvelles zones.

Au niveau communautaire, culturel, le changement est souvent bien plus rapide.
Il suffit qu’un certain nombre d’individus pousse dans le bon sens pour qu’en 10 ans, la tendance soit inversée. C’est ce qui s’est passé pour l’abolition de l’esclavage en Grande Bretagne, explique t’il. Alors que l’économie du pays reposait en grande partie sur cette traite humaine, un groupe de personnes particulièrement investi a réussi à  faire basculer la majorité silencieuse vers l’abolition.

Si l’intérêt individuel est remplacé par l’intérêt du plus grand nombre, nous pourrons alors trouver une porte de sortie. Pour cela, il faut favoriser la collaboration, la coopération dans tous les systèmes (écoles, familles, entreprises…) à l’instar de la compétition. Bref, Matthieu Ricard nous enjoint à devenir plus conscient des êtres vivants qui nous entourent, plus responsable également de nos actions.

Un plaidoyer sincère de compassion et de bienveillance pour tous les êtres vivants sans distinction d’espèce.

Pour aller plus loin dans cette réflexion, il a écrit un livre sur ce thème l’année dernière. Il vient de sortir en poche à 10,5 €. Et une de mes amies libraires m’a confié qu’elle en avait vendu quelques-uns ces dernières semaines. Serait -ce une ouverture de conscience ?
La campagne d’affichage de L214 dans le métro montrant la maltraitance animale dans les élevages en batterie, est une grande première également. Espérons que ces images fassent leurs chemins dans nos esprits et trouvent des conséquences appropriées.

Si vous habitez Strasbourg, Matthieu Ricard sera dans votre ville le 19 octobre pour livrer cette conférence.

Et vous, y étiez vous ? Avez vous regardé les images de la vidéo qu’il a diffusé ?
Pensez-vous que vous pouvez participer à ce changement dont nous avons besoin ?